Pêcheur libre, toujours tu chériras la mer !

Il ne me quitte jamais, ce premier vers de l’Homme et la Mer, le sublime poème de Charles Baudelaire «Homme libre, toujours tu chériras la mer !».

Il ne se passe pas une partie de pêche sans que, le bras fatigué, je ne pose ma canne pour m’asseoir quelques instants, contempler la mer les yeux dans les yeux. Emplir mes narines de son odeur, ma bouche de sa saveur salée, et tout mon être de sa formidable puissance.
Dans ces moments là, combien je me sens libre, et combien je la chéris, cette mer, toujours recommencée, comme dit Paul Valéry.

Au fond, la pêche, les poissons, tout ça n’est qu’un prétexte à quelque chose de bien plus profond. Appelle ça méditation, quête métaphysique, réflexion philosophique, comme tu voudras.
Le truc est tout simple, et tellement beau : face à la mer, face à la nature, tu n’es rien, petit homme faible et insignifiant devant une immensité qui te dépasse. Mais malgré ton insignifiance, tu as ta place dans cet univers. Tu entends ça, petit homme ? Tu es à ta place, ici, et chacune des tes respirations de cet air iodé est là pour te le confirmer. Tu es humble, et émerveillé, et reconnaissant de participer à la grande aventure. Tu sais qui tu es, petit homme tout juste sorti des cavernes, ni meilleur ni pire que ce poisson qu’un jour tu captures, un jour tu rates.

Ami pêcheur, mon frère poète et philosophe, j’aime te croiser sur une plage ou au bord d’une rivière, et échanger avec toi un regard complice d’hommes qui sont à leur place sur cette putain de magnifique planète.

pêcheur libre, toujours tu chériras la mer !

Le poème de Charles Baudelaire L’Homme et La Mer :

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Ce contenu a été publié dans Pêche en mer. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Pêcheur libre, toujours tu chériras la mer !

  1. vinchuchu dit :

    Un bien beau texte pour décrire un bien bel état d’esprit : que je partage. Merci 🙂

  2. Valvert dit :

    Voila, se sentir soi-même, face à l’immensité.
    Se sentir bien aussi, libre.
    Se sentir ignorant mais respectueux des secrets qui nous dépassent.
    Se sentir à sa place.

    C’est cadeau, merci la mer, merci Baudelaire…

  3. isnard dit :

    Superbe beau texte; ça nous laisse contemplatif face a l’immensite de notre planete et surtout de l’etendue des mers .Rêveur sur tous les beaux poissons que l’on aimerait prendre!!!!!!!